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Le cheval au XIIe siècle
- Posté le 27 juillet 2014
- Modifié le 12 août 2020
Sur ce thème, il y eut une exposition dans les donjons du Château Guillaume-le-Conquérant en 2014 :
Y étaient exposées des pièces de harnachement historiques et reconstituées, également une belle collection d’éperons.
Nos enlumineuses, lors de leurs ateliers de juillet avaient enluminé sur ce thème. Cet article est l’occasion de montrer leur production, qui avait ensuite rejoint le reste de l’exposition.
Reprenons juste ici les quatre types de chevaux, nommés selon leur utilisation, mais aussi élevés et sélectionnés selon leur utilisation.
Le destrier :
C’est le cheval de guerre. Une page lui est consacrée dans le dossier « Armement et guerre au XIIe siècle »
Le palefroi :
Cheval de parade.
Le sommier :
Cheval utilisé particulièrement pour porter et tirer, comme ici, dans ces deux folios du Psautier de Fécamp, La Haye, Konigsliche Bibliothek, 76 F 13, vers 1180.
Le roncin :
Cheval polyvalent utilisé comme bête de somme et pour voyager.
Le cheval dans les bestiaires :
Traduction du texte du bestiaire d’Aberdeen, vers 1200, f°22r – 23v :1
Certains chevaux reconnaissent leur maître, et si celui-ci vient à changer, oublient leur entraînement. D’autres ne laissent personne monter sur leur dos excepté leur maître – nous allons donner un exemple de ceci.
Le cheval du renommé Alexandre le Grand s’appelait Bucéphale, soit à cause de son apparence sauvage, ou à cause de sa marque – il avait une tête de taureau brûlée sur son épaule – ou à cause des pointes de petites cornes qui avaient poussé sur son front. Bien qu’il fut chevauché parfois, sans résistance de sa part, par son valet d’écurie, à partir du moment qu’il portait la selle royale, il ne daignait plus porter quiconque que son maître le roi. Il y a de nombreux récits de ce cheval dans des bataille dans lesquelles, grâce à lui, Alexandre traversa sain et sauf les plus terribles combats. Le cheval de Gaius Caesar n’autorisait personne sur son dos hormis Caesar. Lorsque le roi des Scythes fut tué en combat singulier, son adversaire victorieux chercha à piller son corps mais il fut malmené par le cheval du roi, qui le frappa et le mordit. Lorsque le roi Nicomedes fut tué, son cheval se laissa mourir de faim. Lorsqu’ Antiochus conquis les Galates, il sauta sur le cheval d’un général, Cintaretus, qui était tombé à la bataille, pour continuer à se battre. Mais le cheval réagit tellement au mors qu’il se laissa tomber délibérément, se blessant et blessant son cavalier dans la chute.
Dans cette espèce d’animal, les mâles vivent plus longtemps. En fait, nous avons lu que des chevaux avaient vécu soixante-dix ans. Nous notons aussi qu’un étalon, nommé Opuntes, a sailli jusqu’à l’âge de quarante ans. Chez les juments, le désir sexuel est atténué lorsque leur crinière est taillée; lorsqu’elle mettent bas, un charme d’amour apparaît, que les poulains portent sur leur front, de couleur fauve, comme une touffe de laîche, appelé hipponenses. S’il est enlevé immédiatement, la mère ne donnera en aucun cas ses mamelles au poulain pour l’allaiter. Plus un cheval plonge ses narines lorsqu’il boit, meilleures sont ses chances.
Les chevaux pleurent leur maître mort ou mourant. On dit que seul le cheval pleurent les hommes et ressentent la tristesse à leur propre compte. Suite à cela, les caractéristiques des chevaux et des hommes se mêlent dans les centaures. Les hommes chevauchant en bataille peuvent déduire du moral de leur monture, ce que sera l’issue.
Comme le disaient les anciens, tous s’accordent à dire que dans un cheval de bon pedigree, vous recherchez quatre choses : forme, beauté, tempérament et couleur.
Pour la forme, le corps doit être sain et ferme; sa taille compatible avec sa force; des flancs longs et étroits; des hanches, grandes et arrondies; un torse large; le corps entier tenu par l’épaisseur de ses muscles; des sabots secs, soutenus par une fourchette courbe.
Pour la beauté: sa tête devrait être petite et sèche; la peau tendue contre ses os; les oreilles, courtes et soignées; les yeux, grands, les narines larges et le cou tendu; la crinière et la queue, épaisses; les sabots fermement incurvés.
Pour le tempérament: il doit être d’un esprit vif, au pied léger, aux membres frémissants – un signe de courage; il devrait être facile à réveiller quand il est au repos, et une fois mis au galop, il ne devrait pas être difficile à contrôler. Vous pouvez juger de quoi est capable un cheval aux mouvements de ses oreilles, son courage au frémissement de ses membres.
Les principales couleurs que l’on trouve sont: bai, doré, rosé, alezan, rouge fauve, jaune pâle, bleu-gris, pommelé, gris clair, blanc éclatant, blanc ordinaire, pie et noir. Viennent ensuite des robes variées à base de noir ou de bai; les autres mélanges ou ceux qui sont couleur de cendre sont les moins estimées.
D’après les Anciens, un bai, badius, était un cheval puissant, parce que parmi les autres animaux son allure était plus forte. Le même cheval était appelé spadix ou fenicatus, brun datte, du palmier que les Syriens nomment spadix. Le bleu-gris, glaucus, est comme la couleur des yeux, peints et nimbés d’éclats. Le jaune pâle, gilvus, est mieux décrit par la couleur ‘écru’. Un cheval pie, guttatus, est blanc, tacheté de noir. Les blancs éclatant et ordinaires, candidus et albus, se différencient l’un de l’autre. Le blanc ordinaire a une sorte de pâleur, mais le blanc éclatant est comme la neige, nimbé de pure et éclatante lumière. Le gris clair, canus, est ainsi appelé parce qu’il se compose de blanc éclatant et de noir. Un cheval pommelé, scutulatus, tient son nom de de ses tâches circulaires, semblables à des boucliers, de blanc éclatant et de brun foncé. Un cheval bigarré, varius, est ainsi appelé parce qu’il a des rayures de différentes couleurs. Ceux qui ont les pieds blancs sont appelés petili; ‘pieds fins’; ceux avec le front blanc callidi, ‘têtes chaudes’. Le cheval rouge-fauve, cervinus, est communément appelé gaurans. Le cheval appelé vosinus est ainsi nommé en raison de sa couleur qui est celle de l’âne, dont la robe est aussi couleur de cendres. Ces derniers se rencontrent dans la région, élevés à partir de l’espèce que nous appelons equiferi, des chevaux sauvages, et qui ne peuvent donc effectuer le changement pour le statut domestique. Le cheval nommé mauron, un maure ou arabe, est noir, parce que le mot grec pour un homme de couleur noire est mauron. Un cob2, mannus, est une catégorie de cheval plus petit, communément appelé brunius ‘un brun’. Les Anciens nommaient les chevaux de poste veredi, parce qu’ils tiraient des chariots, vehere redas, ceci, car ils les tiraient ou parce qu’ils allaient sur les grandes routes, via, sur lesquelles, reda, ont l’habitude d’aller.
Il y a trois sortes de chevaux. Le premier est le noble cheval de guerre, capable de porter de lourdes charges; le second est le cheval de tous les jours, utilisé pour tirer des charges mais qui ne convient pas pour la monte. Le troisième est né d’un croisement de différentes espèces, et est aussi appelé bigener, hybride, car il est né de parents différents, comme une mule.
Le mot mulus, mule, vient du grec. Elle est appelée comme cela en grec car sous le joug du meunier, elle tire les lourdes meules, mola, dans un cercle pour écraser le grain. Les Juifs disent que Ana, le fils de l’arrière petit-fils d’Esau, était le tout premier a avoir entendu parlé de troupeaux de juments montées par des ânes dans le désert, de sorte qu’il en résultait de nouveaux animaux nés de différents géniteurs – contre nature. On dit que les ânes sauvages étaient aussi mis avec des ânesses et que le même type de croisement était obtenu pour produire des ânes plus rapides3. L’activité humaine a en effet réuni des variétés différentes d’animaux pour la reproduction. Et à partir de ce croisement adultère l’homme a produit de nouvelles espèces, tout comme Jacob a obtenu des animaux de la même couleur – aussi contre nature. Pour que ses brebis conçoivent des agneaux de la même couleur que le bélier qui les montait, elle regardaient leur reflet dans l’eau. Enfin, on dit que la même chose se produit avec des troupeaux de juments, auxquels l’homme mettait de nobles étalons en vue de celles qui étaient prêtes à concevoir, pour qu’elles puissent concevoir et créer une progéniture à l’image de l’étalon. Les éleveurs de pigeons placent des images des plus beaux pigeons aux endroits où ils se regroupent, pour capter leur regard, de sorte qu’ils puissent produire des petits qui leur ressemblent. C’est pour cette raison que les gens ordonnent aux femmes enceintes de ne pas regarder des animaux à l’apparence très laide, comme des singes à tête de chien ou des singes, car elles pourraient porter des enfants qui ressembleraient aux choses qu’elles ont vues. C’est pour cela que l’on dit qu’il est de la nature des femmes d’enfanter une progéniture qui ressemble à ce qu’elles regardent ou imaginent au plus fort de leur ardeur lorsqu’elles conçoivent; les animaux, en effet, lorsqu’ils s’accouplent, transmettent intérieurement les formes qu’ils voient à l’extérieur et, imprégnés de ces images, prennent cette apparence pour la leur.
Parmi les créatures vivantes, le nom de ‘hybride’ est donné à celles provenant de l’accouplement de deux espèces différentes, comme la mule d’une jument et d’un âne, le bardot d’un étalon et d’une ânesse, l’hybride de l’ours sauvage et de la truie, est appelé tyrius, celui de la brebis et du bouc, et le mouflon celui de la chèvre et du bélier ; le mouflon est le chef du troupeau. »
Le cheval solaire :
Dans le Hortus deliciarum d’Herrade de Landsberg, vers 1180, le char du soleil est tiré par des chevaux tandis que celui de la lune est tiré par des bœufs. C’est la reprise du thème antique des chevaux qui tirent le char solaire d’Apollon pour expliquer son déplacement. Il y est fait mention dans la Bible : « Il fit disparaître de l’entrée de la maison de l’Éternel les chevaux que les rois de Juda avaient consacrés au soleil, près de la chambre de l’eunuque Nethan Mélec, qui demeurait dans le faubourg; et il brûla au feu les chars du soleil. » (II Rois, 23,11)
Le cheval blanc :
« Puis je vis le ciel ouvert, et voici, parut un cheval blanc. Celui qui le montait s’appelle Fidèle et Véritable, et il juge et combat avec justice. » (Apocalypse, 19,11)
« Blanc, le cheval est le symbole de la majesté. Il est le plus souvent monté par celui qui est nommé « Fidèle et Véritable », c’est à dire par le Christ. Suivant le texte de l’Apocalypse, les armées célestes qui l’accompagnent chevauchent des coursiers blancs. C’est pourquoi l’on verra dans les miniatures des anges sur des chevaux. »4
par KaTeznik — Travail personnel. Sous licence CC-BY-SA-2.0-fr via Wikimedia Commons.
Le cheval blanc (blême, couleur de Lune) peut aussi être symbole de mort, voir ci-dessous.5
Le cheval noir :
Il peut être symbole de mort, de famine. C’est un des chevaux de l’Apocalypse.
Ouverture du premier sceau: le conquérant
Puis je vis l’Agneau ouvrir le premier des sept sceaux et j’entendis l’un des quatre êtres vivants dire d’une voix de tonnerre: Viens!
Et je vis venir un cheval blanc. Son cavalier était armé d’un arc. Une couronne lui fut donnée, et il partit en vainqueur et pour vaincre.
Ouverture du deuxième sceau: la guerre
Quand l’Agneau ouvrit le deuxième sceau, j’entendis le deuxième être vivant dire : Viens!
Un autre cheval sortit: il était rouge feu. Son cavalier reçut le pouvoir de bannir la paix de la terre pour que les hommes s’entretuent, et une grande épée lui fut donnée.
Ouverture du troisième sceau: la famine
Quand l’Agneau ouvrit le troisième sceau, j’entendis le troisième être vivant dire: Viens!
Et je vis venir un cheval noir. Son cavalier tenait une balance dans la main.
Et j’entendis comme une voix venant du milieu des quatre êtres vivants; elle disait: Un litre de blé au prix d’une journée de travail et trois litres d’orge pour le même prix. Quant à l’huile et au vin, épargne-les !
Ouverture du quatrième sceau: la mort
Quand l’Agneau ouvrit le quatrième sceau, j’entendis la voix du quatrième être vivant dire: Viens!
Et je vis venir un cheval blême. Son cavalier s’appelle «La Mort» et il était suivi du séjour des morts. Il leur fut donné le pouvoir sur le quart de la terre de faire périr les hommes par l’épée, la famine, les épidémies et les bêtes féroces.
Par cette référence, le cheval, avec son cavalier, peut être associé à un fléau.
Dans le Beatus de Silos (1109), British Library Add. MS 11695, f°102v, le premier est bien armé d’un arc, et le cavalier du cheval noir tient bien une balance dans la main. Les deux autres, la guerre et la mort, sont armés d’épées.6
Trois des quatre cavaliers sont représentés avec les mêmes attributs sur le folio 6v du Commentaire sur l’Apocalypse de Haimo, évêque d’Auxerre (Oxford, MS. Bodl. 352), première moitié du XIIe siècle, ci-dessous.
La licorne :
Liée au cheval, la licorne était présente également dans les bestiaires du XIIe siècle.
Traduction du texte sur la licorne du bestiaire d’Aberdeen :7
« Le monoceros (licorne) est un monstre possédant un horrible cri, le corps d’un cheval, les pieds d’un éléphant et une queue très semblable à celle d’un cerf. Une magnifique, merveilleuse corne se projette de quatre pieds de longueur à partir du milieu de son front, si pointue que quel que soit ce qu’elle frappe, il est aisément percé. Aucun monoceros vivant n’est encore parvenu entre les mains de l’homme, et bien qu’il puisse être tué, il ne peut être capturé. »
Voir la page du Metropolitan « Horsing around » sur chevaux et jeu d’échecs.
Fiche réalisée par l’association Aisling-1198
Enluminures de Dame Maëlle et Blanche, texte d’Artaud.
contact : aisling – neuf.fr
(remplacer le – par @)
Notes :
- Traduction Artaud à partir du site officiel du bestiaire d’Aberdeen : http://www.abdn.ac.uk/bestiary/translat/22r.hti [↩]
- cheval de selle ou de trait léger, souvent issu du croisement d’un cheval de selle et d’un cheval de trait. [↩]
- fleet of foot : rapide, aux pieds ailés… [↩]
- DAVY Marie-Madeleine, Initiation à la symbolique romane, Collection Champs histoire, Flammarion, 1977, p 220 [↩]
- THIBAUD Robert-Jacques, Dictionnaire de l’art roman, tous les symboles pour comprendre les messages des pierres, Dervy Poche, 1994, pp 87-88 [↩]
- Cette planche du Beatus de Silos comporte le texte suivant : ‘equum alvum et qui sedebat sup[er] eum abebat arcum’; ‘equum roseum et qui sedebat sup[er] eum abebat gladium’; ‘equus niger et qui sedebat sup[er] eum abebat stateram’; and ‘equus pallidus et qui sedebat sup[er] eum abebat gladium’ http://www.bl.uk/manuscripts/FullDisplay.aspx?ref=Add_MS_11695 [↩]
- Traduction Artaud à partir du site officiel du bestiaire d’Aberdeen : http://www.abdn.ac.uk/bestiary/translat/15r.hti [↩]
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